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31.07.2025

Matilde Gattoni : « C’est le Prix Camille Lepage qui m’a décidée à y aller »

Matilde Gattoni : « C’est le Prix Camille Lepage qui m’a décidée à y aller » Contactez-nous

Lauréate de la onzième édition du Prix Camille Lepage, la photojournaliste franco-italienne Matilde Gattoni s’apprête à réaliser un reportage qu’elle mûrit depuis plusieurs années.

 

« J’ai cette histoire en tête depuis 2017, et chaque année je me dis ‘je dois la faire’ ». Quand nous l’interrogeons sur le reportage qu’elle est en train de préparer, Matilde Gattoni n’en fait pas mystère : le sujet occupe ses pensées depuis longtemps. Sur les rives du Lac Victoria, au carrefour du Kenya, de l’Ouganda et de la Tanzanie, le changement climatique et la surpêche menacent 40 millions de personnes, qui vivent directement ou indirectement des produits du lac.

 

« Le sujet est assez couvert par les médias locaux mais pas au-delà, alors que le nombre de personnes concernées est immense ». D’où cette envie chez Matilde Gattoni de raconter cette histoire : « Ce qui m’intéresse, c’est de faire comprendre qu’il y a un lien entre nous et ces populations qui habitent à l’autre bout du monde ».

 

Un double lien, en réalité. De cause d’abord, car la demande croissante de poissons venant d’Europe, d’Asie et du Moyen-Orient est à l’origine de ce phénomène de surpêche. D’effet ensuite car ces populations qui, à terme, ne pourront plus vivre sur les rives du Lac Victoria seront dans l’obligation de migrer. D’abord dans les villes au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie, puis en Europe.

 

Photojournaliste depuis 2000, Matilde Gattoni a multiplié les reportages et les voyages depuis vingt-cinq ans. D’abord en Israël et en Palestine pour couvrir la deuxième intifada, puis en Érythrée, où l’UNICEF l’avait envoyée couvrir la guerre contre l’Éthiopie. L’Érythrée, un pays qui occupe une place centrale dans sa vie. « Mon père italien était né en Érythrée. Nos photos de famille, c’était des photos d’Érythrée, alors que j’ai grandi en Italie. À cette époque, c’était mon seul trait d’union avec ce pays ».

 

Des photos de famille qui joueront un rôle clé dans les prémices de sa future vocation. « J’ai été touchée dès l’enfance par l’importance de la mémoire photographique dans la vie d’une personne. Plus tard, je suis partie au Maroc avec un vieil appareil photo qui appartenait à mon père. Quand je suis rentrée, je me suis dit que c’était ce que je voulais faire ». Son choix de carrière était acté. « Pour moi, la photo est vraiment reliée au photojournalisme. C’est raconter une histoire, parler avec les gens, les écouter ».

 

Après Israël et l’Érythrée, ce sera Dubaï puis Beyrouth, où elle vivra plusieurs années tout en donnant une nouvelle orientation à sa carrière : « J’ai travaillé pendant 10 ans sur commande pour Time, Newsweek, le New York Times. Mais je trouvais que les médias occidentaux présentaient toujours la même vision du Moyen-Orient en crise, en guerre. Avec un journaliste qui est depuis devenu mon mari, Matteo Fagotto, nous avons créé notre mini agence. C’est à ce moment-là que nous avons commencé à travailler sur le changement climatique, en nous intéressant spécifiquement aux populations directement visées par des risques de submersion ». Un premier reportage au Yémen, puis le Ghana, le Togo, le Bénin. Et bientôt l’Afrique de l’Est, donc.

 

« Notre sujet sur les rives du Lac Victoria coûte cher, prend du temps, et est très compliqué à organiser : il faut un fixeur différent dans chaque pays, et il vaut mieux éviter les périodes de troubles comme actuellement au Kenya, ou les élections. J’ai toujours eu envie de faire ce sujet, mais c’était une question de financement. C’est le Prix Camille Lepage qui m’a décidée à y aller. Dès que j’ai su que j’avais gagné le Prix, je me suis tout de suite remise en contact avec les fixeurs que j’avais contactés ces derniers mois. On est en train de s’organiser ! ». Avant cela, Matilde Gattoni se verra remettre le Prix Camille Lepage 2025, soutenu par la SAIF, à l’occasion de Visa pour l’image. Rendez-vous le 4 septembre à Perpignan.